L’état de siège à l’Est de la République Démocratique du Congo, une année après, « Entre l’usure et l’espoir »
Plaidoyer pour une requalification du mode opératoire. Par Junior Isakwa IMBAMBO.
Face à la recrudescence de la violence dans la partie Est de la République Démocratique du Congo assortie des tueries répétées des congolais sur leur territoire, le commandant suprême des forces armées de la République Démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi, a en vertu des dispositions de l’article 85 de la constitution congolaise du 18 février 2006 décrété l’état de siège dans deux provinces du pays à savoir: l’Ituri et le Sud Kivu. Le recours à cette mesure exceptionnelle la plus forte, résidait dans l’esprit de son initiateur à briser le cycle de massacre à l’Est et enrayer la spirale de la violence due au concours d’environ 120 groupes armés rebelles qui y opèrent depuis plus de 20 ans en toute impunité.
Avec la mise en place de cette opération,des prérogatives importantes ont été confiées aux forces de sécurité ( militaires et policiers) par le transfert des compétences civiles exercées jadis par les autorités politico-administratives. Ces prérogatives exorbitantes incluent notamment le transfert de compétences des juridictions civiles aux juridictions militaires qui disposent dorénavant des pouvoirs juridictionnels pour juger les auteurs et autres complices présumés opérant en intelligence avec les forces négatives pour perpétuer le cycle de violence dans cette partie du territoire national.
Si le recours à ce mécanisme a suscité de l’espoir auprès de la po ,il s’avère cependant qu’une année après depuis son déclenchement, l’état de siège se heurte à des difficultés pratiques pour sa mise en œuvre et produire enfin les résultats escomptés.
La compréhension de l’enjeu en rapport avec l’adoption de ce mécanisme nécessite une analyse en profondeur de la situation pouvant nous renseigner sur le facteur concourant jusqu’à présent à son inefficacité constatée sur terrain pour envisager la possibilité de son maintien ou de sa suppression.
Problèmes constatés
L’instauration d’un régime sécuritaire exceptionnel dit’ etat de siège’ par le chef de l’Etat congolais Félix-Antoine Tshisekedi demeurait aux yeux d’une frange importante de la population congolaise comme étant une thérapeutique efficace et appropriée face à l’insécurité grandissante à laquelle étaient confrontés les congolais dans cette partie.
Prolongée à 23 reprises par le parlement congolais, cette mesure exceptionnelle ne semble guère remplir à l’heure actuelle la fonction pour laquelle elle a été instituée à savoir la pacification totale des zones concernées en venant à bout de tous les groupes insurrectionnels qui n’ont cessé d’endeuiller la population avec une barbarie sans précédent.
Appuyées par les troupes ougandaises dans le cadre de la mutualisation des efforts,
les forces armées de la RDC,en dépit de ce soutien etranger manifeste se heurtent à une véritable résistance de ces mouvements insurrectionnels dont l’activisme en termes de désolation ne cesse de prendre des proportions très inquiétantes avec l’intensification des tueries des populations locales.
A cet effet ,le Baromètre Sécuritaire du Kivu dénombre 2563 civils tués depuis le déclenchement de cette mesure exceptionnelle.
La militarisation des libertés publiques par les forces de sécurité congolaises dont le professionnalisme fait parfois l’objet d’une véritable controverse, axée sur la répression des manifestations pacifiques de la population ou à faire taire les contestations contre les politiques publiques du régime en place dans ces zones est perçu en outre comme un autre facteur d’inefficacité de ce mécanisme qui ne fait qu’aggraver la souffrance de la population déjà meutrie. C’est ce qui a d’ailleurs poussé les députés nationaux issus de ces zones à sécher les plénières du parlement suite aux prolongations répétées de ce mécanisme ou encore à proposer un projet de loi sur l’état de siège.
Un aspect rassurant.
La mise en place de l’état de siège dans la partie Est de la RDC,au delà des critiques et autre constat faits à son égard,a eu le mérite de pacifier certains coins et bastions tenus jusque là de mains de maître par les rebelles qui exerçaient une véritable prédation des ressources naturelles. Le commandement militaire mis en place s’est distingué par la mise en deroute de certains mouvements rebelles en affaiblissant systématiquement leurs structures opérationnelles dont bon nombre se retrouvent au jour d’aujourd’hui esseulés et essoufflés.
Ne pouvant operer comme d’habitude grâce au déploiement des forces de sécurité dans ces zones qui y exercent une surveillance accrue,bon nombre de ces forces négatives ont opté pour le changement de tactique en opérant désormais par la voie de guérilla en perpetuant le massacre de la population civile.
Par ce changement de tactique,ces rebelles usent d’une stratégie sanglante tendant à créér un doute au sein de l’opinion pour leur amener à réprouver ou à développer une certaine résistance de ce mécanisme exceptionnel dans cette partie du pays. Ceci dans le but de pousser les autorités politiques son retrait ou sa suppression purement.
Cette option de la suppression de l’état de siège semble à l’heure actuelle à trouver un échos favorable auprès d’une grande majorité de la population habitant dans ce coin oubliant qu’elle demeure la cible permanente de ces forces négatives.
Face au changement de tactique dont font montre les rebelles pour contrer la faisabilité ou mieux la réussite de l’état de siège,le gouvernement de la République devrais en premier lieu entre autres examiner la possibilité de s’adapter à l’ennemi en requalifiant le mode opératoire lié à sa mise en œuvre. Dans ce cadre,il serait souhaitable que le Gouvernement congolais puisse revoir à la hausse le budget militaire lié à l’operationnalisation de l’état de siège. Cette option s’avère possible dans la mesure où la caisse de l’Etat disposerait à l’heure actuelle d’une réserve monétaire importante. Qu’il faille en outre pour chef de l’État congolais de procéder à une permutation des responsables de zones de defense militaire dans cette partie de la République. Cette permutation devrait aussi concerner des militaires dans ces zones et justifiant d’une longue ancienneté sur terrain en vue de réduire sensiblement le degré de trahison ou autre retournement de situation de certains militaires qui seraient en intelligence avec l’ennemi pour mettre en échec les différentes stratégies adoptées par le haut commandement militaire et qui jusque-là demeurent inefficaces.
Par ailleurs, en vue de prendre l’ennemi en tenaille et le pousser à la capitulation et autre redition, une fermeture des frontières momentanée devrait être envisagée avec les pays voisins partageant les frontières avec ces provinces en état de siège en vue de couper toute connexion avec certains pays voisins qui constituent des bases arrières pour ces rebelles et qui ne visent que la déstabilisation de cette partie pour en tirer profit.
Le Gouvernement de la République devrait en outre examiner la possibilité d’engager des discussions en profondeur avec les Nations unies pour délocaliser les forces de la Monusco stationnées dans cette partie de la République dont la population locale accuse une certaine passivité, complaisance et complicité face au massacre dont elle est victime et ce en dépit du fait que ces forces disposent d’un arsenal militaire impressionnant. Ce retrait momentané permettrait ainsi aux forces nationales de mieux mener leurs opérations de pacification dans ces zones sans aucune interférence ou complicité tacite.
Enfin , dans l’optique de mieux assurer la protection des droits humains dans ces zones,il importe de mettre en place ‘un observatoire régional chargé de protection des citoyens et ce,pour s’assurer de la régularité de la procédure en termes d’interpellation de la population par les autorités militaires qui administrent ces régions et limiter ainsi le risque de l’arbitraire et autre dérapage ou voire règlement de compte de la part de ces autorités en l’ absence des juridictions civiles.
La réussite de l’état de siège en RDC dans sa partie Est nécessite non pas seulement un accompagnement de la part de la population pour sa réussite mais aussi la flexibilité des autorités politiques d’attendre les desideratas de sa population victimisée en revisitant les mécanismes de la protection mis en place pour son bien être car il en va de la survie de tout un peuple. C’est pourquoi la recherche d’une solution idoine s’avère hautement recommandée.